Tout le monde préférerait sauver tous les animaux du monde mais chaque espèce en danger a des besoins très spécifiques et nécessite beaucoup de moyens et d'attention. Si l'on cherche à protéger tous ceux qui en ont besoin, ne risque-t-on pas, en cas d'échec, de les perdre tous ? La méthode qui consiste à choisir quelques espèces à sauver, quitte à en délaisser d'autres, s'appelle le "triage". Elle présente des avantages. Par exemple, mettre sur le devant de la scène quelques espèces emblématiques et charismatiques permet de concentrer les efforts et de lever des fonds plus facilement. Cependant, le triage pose de sérieuses questions morales. De quel droit pourrions-nous décider qu'un être vivant mérite moins de vivre qu'un autre ? Le terme "triage" a une connotation péjorative car il fait référence au tri des blessés, imaginé par les médecins français, pendant la Première Guerre mondiale. Le principe était de ne pas s'attarder sur le sort des soldats trop gravement blessés, sans grand espoir de survie... La compassion cède la place à l'efficacité.

 

L'idée selon laquelle il faut choisir les espèces à protéger est majoritairement acceptée, comme le prouve un sondage de Muray Rudd publié dans Conservation Biology en 2011 (disponible ici). Comme on peut le voir sur la Figure 1 ci-dessous, la majorité des scientifiques interrogés souhaitent se concentrer sur le sauvetage des espèces qui ont le plus de chances de survivre, plutôt que de s’acharner sur des familles dont on sait que la disparition est inévitable à court terme. Il faut alors définir des critères portant sur les zones géographiques (l'importance des risques de destruction d'un habitat, la diversité d'un écosystème...) comme sur les espèces elles-mêmes (le risque d'extinction, l'importance de l'espèce aux yeux de la société, la difficulté des mesures de protection à mettre en œuvre...). Les alternatives sont nombreuses.